• La LOI SALIQUE

     

    Loi Salique franque

    l’abolition du droit barbare matriarcal

     

     

    C’est parfois la femme qui détient les droits dynastiques : si la France, l’Autriche et la Russie suivaient la loi salique ou son équivalent, l’Autriche et la Russie précisaient dans leurs lois successorales qu’une femme pouvait hériter du trône en l’absence de tout agnat dynaste.

     

    Dans le droit romain, l’agnat désigne le membre d’une famille appartenant au titre de descendant par les mâles d’un même pater familias (père maître absolu de la famille) ou comme enfant adopté par celui-ci.

     

    Les invasions barbares qui suivent la chute de l’Empire romain d’Occident voient affluer des peuples; comme les Burgondes où

     

    « la succession se faisait non point de père en fils mais sur désignation de la mère en faveur de tous ses fils, quels qu’en soit le père, légitimes ou non. Cette pratique aboutissait au partage du royaume en autant de parts que d’enfants, lesquels n’avaient de cesse de se massacrer afin de récupérer l’ensemble du territoire »

      

    – Michel Rouche, « Clotilde, femme, reine et sainte », in Le Figaro magazine, 10 juillet 2010, page 78.

    Abolition du droit maternel, et naissance de la justice d’état

     

      

    Dans le haut Moyen Âge, il s’agit d’un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe siècle et le VIe siècle pour le peuple des Francs dits « saliens ».

      

    Ce code rédigé en latin établissait entre autres les règles à suivre en matière d’héritage à l’intérieur de ce peuple.

      

    En France, il fallut attendre Clovis (mort en 511) et la loi Salique, inspiré du droit romain, pour que le lien de paternité soit privilégié, abolissant en même temps le wergeld (compensation financière privée) et la faide ou ericfine (devoir de vengeance privée) c’est à dire la justice tribale sans état.

     

     

    Un article-clé : le De allodis.

      

    L’article 62 du pactus initial porte sur la transmission des alleux, c’est-à-dire des terres détenues en pleine propriété par un groupe familial.

      

    À la suite de plusieurs articles autorisant les femmes à hériter des-dites terres, un court passage était promis à une longue postérité.

      

    Ce texte a connu une évolution restreignant de plus en plus les droits successoraux des femmes ;

      

    en effet :

     

    • alors que la version initiale précise que «si quelqu’un meurt sans enfant et que sa mère lui survive, c’est elle qui hérite» et que «si ceux-là aussi sont décédés et qu’il demeure des sœurs de la mère, elles héritent» ;

      

    • la version finale du texte énonce que «quant à la terre salique, qu’aucune partie de l’héritage ne revienne à une femme, mais que tout l’héritage de la terre passe au sexe masculin».

     

    • Cette dernière formulation apparaît dans les versions carolingiennes.

      

      

    Dans le courant du XIVe siècle, cet article fut exhumé, pour justifier l’interdiction faite aux femmes de succéder au trône de France.

      

    À la fin de l’époque médiévale et à l’époque moderne, l’expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de France.

      

    Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d’autres monarchies européennes.

      

    Cette éviction des femmes a suscité dès le XIIIe siècle des résistances et des conflits.

     

    Par ailleurs, il ne faut pas confondre « loi salique » et « primogéniture masculine », la loi dite salique constituant un élargissement de la primogéniture masculine pour éliminer complètement les femmes de la succession au trône, y compris les filles du souverain décédé.

     

     

     

    La matrilinéarité du droit barbare

    Certaines traces de matrilinéarité se sont maintenues jusqu’au Moyen-Age dans nos contrées.

      

    Seules les femmes nobles se mariaient et n’étaient jamais émancipées, même si ça et là, l’absence de loi salique leur permettait parfois de monter sur le trône

    (duchesse Anne de Bretagne); « se mariaient » dans le sens où on l’entend aujourd’hui :

      

    monogamie, fidélité absolue, domination de l’époux, indissolubilité et sanctification par l’Église…

      

    Mais bien sûr, les couples se formaient : une simple déclaration de la volonté de la part de deux personnes devant deux témoins et la plupart du temps, l’affaire était entendue.

      

    Sinon ils se référaient notamment aux coutumes héritées des Gaulois ou des Germains.

     

    Les femmes bourgeoises ou paysannes sont restées très longtemps libres de posséder terres, ateliers ou commerces et d’exercer librement leur occupation.

     

    Les coutumes matrilinéaires franques, islandaises et scandinaves diffèrent sensiblement de l’idéal romain d’une seule épouse féconde au pouvoir du mari.

      

    La christianisation, plus ou moins intense selon les régions et de toute façon très lente, impose peu à peu la monogamie et le mariage indissoluble, en puisant dans la force d’une métaphore, celle de l’Église épouse du Christ.

      

    Le Moyen Âge glissera par la suite vers la misogynie et le puritanisme, ainsi que l’abandon progressif des formes claniques de dénomination au profit d’un seul prénom, qui devient nom de baptême à mesure que progresse le baptême des enfants, principalement à partir de l’époque carolingienne.

     

    Ce que prouvent directement les documents gallois et, avec eux, les documents irlandais, c’est qu’au XI° siècle le mariage apparié (collectif, inter-clanique) n’avait pas du tout été supplanté, chez les Celtes, par la monogamie.

      

    De plus, en cas de divorce, si c’était l’homme qui rompait le mariage, il devait rendre à la femme sa dot et quelque chose en plus; si c’était la femme, sa part était moindre.

      

    Si les deux partenaires avaient vécu sept ans ensemble, ils étaient mari et femme, même sans mariage formel préalable.

      

    La chasteté des filles avant le mariage n’était ni gardée, ni exigée rigoureusement; les dispositions à ce sujet sont de nature fort légère et ne répondent absolument pas à la morale bourgeoise.

     

    Les raisons pour lesquelles la femme pouvait exiger le divorce sans rien perdre de ses droits lors de la séparation étaient d’ample nature:

    la mauvaise haleine du mari suffisait.

      

    Les femmes avaient droit de vote dans les assemblées du peuple.

     

    Ajoutons qu’en Irlande des conditions analogues sont attestées; que, là aussi, les mariages à temps limité étaient chose courante et qu’en cas de divorce on assurait à la femme de grands avantages exactement prescrits, et même une indemnité pour ses services domestiques; qu’il y apparaît une « première femme » à côté d’autres femmes et que, lors du partage des successions, il n’est fait aucune différence entre enfants légitimes et naturels.

     

     

    Ancient laws and institutes of Wales, tome I, s. I., 1841, p. 93.

     

     

     

     

    Origine de la loi salique
    Haut de page pas de paragraphe précédent Le contexte

    A l'origine, le terme de loi salique désigne la loi des francs saliens, le peuple de Clovis.

    Entre autres choses, la loi des francs prévoit les dispositions d'héritage des propriétés foncières :

    • Exclusion des femmes de la succession.
    • Partage du domaine foncier à parts égales entre les fils du défunt

     

    La seconde disposition est à l'origine des partages désastreux du royaume sous les premiers mérovingiens.

    Partage à la mort de Clovis
     
    Partage à la mort de Clovis
     
    Partage à la mort de Clotaire Ier
     
    Partage à la mort de Clotaire Ier

     
    Le contexte
    Haut de page Origine de la loi salique Le contenu

    Plusieurs siècles après, la legislation des francs s'est fondue avec le droit gallo-romains et d'autres systèmes pour accoucher du système féodal. Les dispositions qui régissaient la société de Clovis ne sont plus de mise depuis bien longtemps :

    • Dans les grands fiefs (et dans les royaumes féodaux comme la Navarre), des femmes exercent les fonctions politiques héritées de leurs aïeuls à défaut d'homme dans la succession. Citons en ce début de XIVième siècle la reine Jeanne de Navarre (femme du roi Philippe le bel) et la comtesse d'Artois Mahaut.
    • Il n'est plus question depuis bien longtemps, pour les royaumes comme pour les petits fiefs, de partage entre les héritiers masculins, mais plutôt de primogéniture, c'est-à-dire de tout transmettre à l'aîné des garçons.

     

    La loi salique serait ainsi resté au nombre des textes oubliés si un problème dynastique ne s'était posé :

     5 juin 1316 1 : Mort de Louis X. Philippe de Poitiers devient régent.

    Quand le roi Louis X meurt, il ne laisse pas d'héritier mâle.

     

    Sa veuve, la reine Clémence est enceinte, accouche d'un garçon, mais ce dernier meurt au bout de quelques jours.

    C'est la première fois depuis Hugues Capet qu'il n'y a pas d'héritier masculin en ligne directe. Selon les usages du temps, la fille de Louis X (Jeanne) devrait lui succéder. Malheureusement, il y a des doutes sur la légitimité de cette dernière à cause de l'adultère de sa mère Marguerite de Bourgogne.

    Tout ceci excite la convoitise du premier frère de Louis X (Philippe de Poitiers). Comme il ne peut pas formellement prouver l'illégitimité de sa nièce (il n'y a pas encore d'analyse ADN), il lui faut trouver autre chose.

     

    La vieille loi salique va pouvoir reprendre du service.

     
     
    Le contenu
    Haut de page Le contexte Les conséquences

    On va ainsi trancher la règle successorale de la couronne de France sur un cas d'espèce.

    Dans l'impossibilité de trancher irréfutablement de la légitimité ou de l'illégitimité de Jeanne, on va simplifier le problème en déclarant purement et simplement les femmes inaptes à la succession à la couronne de France.

    En réalité, il s'agit d'un véritable coup d'état perpétré par Philippe de Poitiers pour devenir roi.

    Prudent, il fait enteriner la loi salique par une assemblée de notables.

     

     

     2 fevrier 1317 : La «Loi Salique» est confirmé par une assemblée comme règle successorale de la France.

     
    Les conséquences
    Haut de page Le contenu pas de paragraphe suivant

    Philippe V était sans doute bien loin d'imaginer les conséquences de cette nouvelle législation montée de toutes pièces pour légitimer sa prise de pouvoir : A sa mort, il ne laisse que des filles, que la loi salique écarte automatiquement de la succession qui va à son frère cadet Charles IV. Quand ce dernier meurt en ne laissant lui aussi que des filles, on se retrouve devant un sacré casse-tête : l'héritier mâle le plus proche est le roi d'Angleterre (fils d'Isabelle, soeur des précédents rois).

    Là encore, on va trancher le cas général sur un cas d'espèce. Comme il faut bien trouver un pretexte pour écarter le roi d'Angleterre, on va trafiquer encore un peu plus la loi salique en l'aggravant : non seulement elles ne peuvent pas exercer le pouvoir royal, mais elles ne peuvent même pas en transmettre le droit à leurs descendants.

    Le successeur est donc Philippe VI de Valois, plus proche parent par descendance exclusivement masculine. Le bricolage juridique discutable qui a mis ce roi sur le trône le met vite en difficulté : le roi d'Angleterre tient là un magnifique pretexte de lui faire la guerre sans violer le droit féodal... une guerre qui durera cent ans.

    Mise en place dans des circonstances plus que discutables, la loi salique a cependant une belle nouvelle carrière devant elle : elle restera jusqu'à la fin de la monarchie la règle de succession à la couronne de France. C'est à cause d'elle qu'à l'extinction des Valois il faudra remonter jusqu'à Saint Louis (soit plus de trois siècles en arrière) pour établir le nouvel héritier légitime (Henri IV).

    Sources des dates citées dans cette page :
     - 1 (5 juin 1316) : d'après "la chronologie de l'histoire de France" de JC Volkmann p 30

     

     

     

     

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